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Rapports/Études

Réussir les innovations de rupture

La décarbonation de l’économie, la réindustrialisation du territoire, le rééquilibrage de la balance commerciale figurent parmi les objectifs prioritaires du quinquennat. Ils ne pourront être atteints sans un effort accru d'innovation et plus particulièrement le développement d'innovations de rupture. Celles-ci se caractérisent par l’offre d’un nouveau produit ou service à l’origine de nouveaux marchés en voie de devenir dominants et porteurs de davantage de croissance. Ces innovations se matérialisent soit par une nouvelle technologie (comme l’ARN messager qui révolutionne les techniques de la vaccination) ou par de nouveaux usages, y compris à partir de technologies plus anciennes, qui transforment les business model (comme le développement de la plateforme Airbnb pour l'hôtellerie ou celle de BlaBlaCar pour le covoiturage).

La commission innovation a souhaité étudier les conditions de développement de ces innovations de rupture. C'est donc en association avec CentraleSupélec Alumni et la société Bluenove, que le MEDEF a mené une consultation auprès des entreprises innovantes et des acteurs de l’écosystème de l’innovation au printemps 2022. Vous trouverez dans cette note les principaux constats et recommandations de cette consultation ainsi que la synthèse complète en annexe.

1. Principaux enseignements

a. Innovations de rupture : une pratique commune aux entreprises interrogées et un atout pour leur développement

  • Près des ¾ des répondants ont l’expérience de projets d’innovation de rupture
  • Les entreprises répondantes développent en majorité des innovations technologiques et industrielles (54%), de produit (50%) et de service (46%). Elles s’intéressent moins aux innovations incrémentales en faisant des innovations de rupture leur priorité
  • Le développement de ces entreprises est très lié à ces innovations technologiques, industrielles, de produit (49%) ou de service (46%)
  • Les entreprises réalisant des innovations de rupture sont très présentes dans l’aérospatial, la défense, la sécurité, la santé et l’énergie. Cela est cohérent avec le dynamisme de ces secteurs et leur rôle dans l’accompagnement des mutations économiques (énergie, mobilité /transport…)
  • Les répondants faisant de l’innovation de rupture réalisent pour leur part surtout leur chiffre d’affaires en France (73%) et en Europe (48%). Cela peut refléter soit une difficulté à exporter, soit un stade de développement moins avancé (startup)
  • Le poids dans leur CA des nouveaux produits et services est nettement supérieur à la moyenne et peut atteindre plus de 75% pour la moitié d’entre elles
  • Les levées de fonds des entreprises pratiquant des innovations de rupture sont plus élevées que les autres : 3,9M€ en moyenne contre 2,4M€. Ce qui révèle aussi des besoins financiers plus importants pour ce type d’innovation


  • c. Insuffisante culture du risque, complexité des réglementations, déficit de compétences : freins à l’innovation
  • La faible culture du risque et la crainte de l’échec en France sont considérées comme le handicap le plus pénalisant pour 47% des répondants. Cette aversion au risque peut rendre le management frileux et désengagé (22%)
  • Les pesanteurs administratives demeurent des obstacles majeurs comme la complexité des procédures de financement des produits ou services innovants (39%) ou encore l’excès de réglementations dans les marchés et l’absence d’harmonisation entre les marchés (28%)
  • Le déficit de compétences plurielles freine également le développement des innovations de rupture. Ces limites peuvent renvoyer à une absence de vision des marchés de la part des chercheurs (18%) ou encore à une insuffisante culture scientifique et technique des vendeurs ou des ingénieurs (38%) 

b. Financement et collaboration : deux principaux moteurs des innovations de rupture

  • Les acteurs de l’innovation agissent de manière ouverte. Ils privilégient majoritairement les partenariats, que ce soit avec les entreprises ou la recherche & développement publique ou privée. Cette tendance est aussi partagée par les PME, désormais plus adeptes de l’innovation ouverte que dans les années 2010
  • Les répondants à l’origine d’innovations de rupture citent encore plus majoritairement comme accélérateur l’effort de R&D interne (64% des répondants) puis le financement public (51%) et les financements privés (46%)
  • Certains mécanismes et dispositifs occupent une place prépondérante : aides et programmes gérés par Bpifrance sont particulièrement déterminants pour 39% des répondants à l’origine d’innovations de rupture et le crédit d’impôt recherche (CIR) pour 36% de l’ensemble des répondant

2. Recommandations

a. Développer une culture du risque, de l’innovation et de l’entreprenariat

Une demande exprimée par 38 % des répondants à l’origine d’innovations de rupture
  • Eduquer aux vertus du progrès et partager une vision claire de ses bénéfices
  • Former aux sciences et à la démarche scientifique pour augmenter notamment le nombre d’ingénieurs et de docteurs dont les entreprises ont besoin chaque année
  • Initier les lycéens et étudiants à l’entrepreneuriat pour encourager la prise de risque
  • Développer dans le supérieur les formations au « design thinking » qui permettent de mieux associer les clients cibles à la conception et à l’expérimentation des produits
  • Sensibiliser aux enjeux de la PI et à ses pratiques de base (réflexes à acquérir) pour mieux conquérir les marchés
  • Former au management de l’innovation et renforcer les « soft skills »

Gagner en souplesse et en agilité dans la pratique de la gestion de l’innovation

  • Simplifier les procédures d’aides et de soutien à l’innovation, harmoniser les demandes de dossier. Mettre en place un système unifié sur les appels à projets pour réduire notamment les coûts administratifs de gestion des dossiers
  • Diminuer les délais de réponse et de décaissement

c. Encourager les partenariats avec la recherche publique

La coopération avec la recherche publique est un facteur clé de succès pour plus d’1/3 des répondants à l’origine d’innovations de rupture
  • Doubler le volume des docteurs sous contrat CIFRE : ils permettent une collaboration active entre les entreprises et les laboratoires
  • Simplifier les relations contractuelles, réduire les délais de négociation
  • Clarifier et simplifier les modalités de gestion de la PI par les services de valorisation de recherche publique (définition d’accord cadre, de clauses types)

b. Renforcer la chaîne de financement de l’innovation : soutenir et mieux récompenser la prise de risque

Une attente citée spontanément par plus d’un tiers de l’ensemble des répondants et 51% des répondants à l’origine d’innovations de rupture
  • Le CIR est un outil essentiel et reconnu de compétitivité qui reste à stabiliser : revoir le choix les indicateurs pour l’appréciation de l’impact du CIR. Reconsidérer les pistes de réforme envisagées et mal calibrées (conditionnement, abaissement des plafonds, ciblage exclusif sur les PME…)
  • L’amplification d'autres dispositifs comme le CII est souhaité pour mieux soutenir les démonstrateurs aux budgets souvent élevés pour l’industrie (passer le taux de 30 à 40%, augmenter le plafond ?)
  • Des soutiens aux investissements privés sont également proposés et notamment des Business Angels dont le rôle est essentiel dans la phase d’amorçage exonération fiscale des plus-values (cf. dispositifs américains italiens ou irlandais) ou déduction des pertes de son revenu (exemple du Subchapter S)
  • Augmenter les capacités d’investissements privés dans l’industrialisation et le développement : promouvoir les initiatives européennes de financement en reproduisant la réussite des fonds Tibi : Etudier la piste d’une assurance vie industrielle pour abonder les fonds de capital développement

d. Faciliter le passage au marché

Une demande partagée par 38 % des répondants à l’origine d’innovations de rupture
  • Développer le droit à l’expérimentation, aussi appelé « bacs à sable réglementaires ». Il s’agit de tester en conditions réelles une innovation en offrant un cadre réglementaire dérogatoire temporaire et défini géographiquement. Cela permet de concilier protection du consommateur et possibilité d’innover avec moins de barrières réglementaires
  • Mobiliser et orienter la commande publique afin de favoriser l’innovation : mettre en place un « small business act », destiné à soutenir la commande publique des offres innovantes des PME. Développer une plateforme de référencement créée en concertation avec les pôles de compétitivité et les agences de financement où les PME pourront mettre en valeur leurs solutions auprès des acheteurs publics
  • Développer la pré- commande publique en faveur des entreprises innovantes (startups, licornes, …) comme cela se pratique aux Etats-Unis
  • Rapprocher la gestion des programmes d’investissements d’avenir du modèle de fonctionnement de la DARPA ou de la BARDA. Mettre en place une gouvernance efficace pour la définition et la mise en œuvre des choix stratégiques, la sélection et la conduite des projets (PIA 4, France 2030)
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